Portz-ar-Feunteun : la belle histoire d'un lavoir

Posée au milieu des rochers, avec lesquels elle se confond au lieu-dit Portz-ar-Feunteun à Lesconil, cette étrange construction, qui fait face au large, intrigue par sa présence aussi proche de la mer. Etait-ce un vivier, une retenue d'eau de mer pour la baignade ? Non, il s'agit tout simplement d'un lavoir.

D'où vient ce nom de Portz-ar-Feunteun ? — Comme on peut le voir, le lavoir se trouve sur les rochers entre la roche du bas Kareck-an-Traon et la roche du centre Kareck-Kreis.

Cet endroit a été appelé le port de la fontaine, Portz-ar-Feunteun, car l'eau y coulait en abondance en provenance de la falaise, alors recouverte de gazon. Une source identique coulait à quelques centaines de mètres, à l'extrémité de la petite plage de Portz-Riagat, au pied du sémaphore, débitant une très bonne eau.

Pourquoi avoir construit ce lavoir à cet endroit, aussi près de la mer ? — Si Lesconil ne manquait pas d'eau au début du siècle, les points d'eau étaient cependant éloignés des quartiers de La Palud et de Pontruche. C'est pourquoi les habitants de ce quartier eurent l'idée de bâtir une fontaine là où l'eau sortait de la falaise. Ils décidèrent alors de protéger cette fontaine des roches que les tempêtes projetaient sur la côte et d'y installer un lavoir pour répondre au besoin des nombreuses familles de marins qui habitaient non loin de là.

Nos anciens furent obligés de dérocter, afin d'aménager une réserve d'eau suffisamment grande et profonde. Ils l'entourèrent de grandes pierres plates qui devaient recevoir le linge que nos grand-mères battaient à grand bruit, agenouillées dans leurs caisses en bois. Quelques cailloux divisaient en deux parties inégales la surface d'eau : la plus grande pour « décrasser » le linge, la plus petite à la sortie du lavoir, pour le rincer.

Mais que se passait-il au cours des tempêtes et lors des grandes marées ? — C'était là l'inconvénient majeur avec cette proximité de la mer. Ceci donnait du souci aux femmes de chez nous. Aux grandes marées, la mer submergeait le lavoir et lorsqu'elle se retirait, il fallait évacuer entièrement l'eau salée et attendre que la fontaine ait évacué suffisamment d'eau douce pour que le lavoir reprenne ses fonctions.

Et puis il a fallu le protéger. Une délibération du conseil municipal de Plobannalec, en date du 1er mai 1927, déclare : « Considérant que la construction d'un mur de défense contre la mer du lavoir de la Palud de Lesconil à Portz-ar-Feunteun est d'urgente nécessité, que la dépense prévue est de 1.800 F, mais qu'il n'y a pas de crédit adéquat ». Pourtant, bien que l'on ne connaisse pas la date exacte de construction du mur, celui-ci fut édifié peu après, d'une solidité à toute épreuve, résistant aux assauts des tempêtes qui se sont succédées depuis plus de 70 ans, puisqu'il existe toujours.

Peut-on se représenter l'activité qui se déroulait autour du lavoir à cette époque ? — Il existe un très beau tableau du peintre Grégoire, exposé au Salon de peinture de Paris en 1907, et qui nous montre des Bigoudènes portant la petite coiffe du début du siècle, affairées à leur travail du linge. Ce tableau s'intitule « Le lavoir de la côte ».

Des cartes postales éditées plus tard, vers 1925, montrent qu'entre ces deux dates le lieu n'avait guère changé.

Autour du lavoir, ce devait être un va-et-vient de transports de brouettes et de civières, de femmes et d'enfants amenant le linge à laver et le faisant sécher une fois propre dans le grand champ d'ajoncs et de fougères situé au-dessus du lavoir où l'on construira plus tard l'Hôtel des Dunes.

Jusqu'à quelle époque, le lavoir a-t-il servi ? — C'est après 1935, avec l'installation du service d'eau à Lesconil et de pompes publiques dans chaque quartier, que le lavoir perdra de son activité. Avec leurs seaux et leurs lessiveuses, les ménagères iront chercher de l'eau tout près de chez elles, laveront à domicile et se feront installer leurs propres lavoirs.

La foule s'était déplacée pour l'inauguration du lavoir restauré.

Cette construction a été remise en état récemment  (en 1997) par l'ODELL, Organisation de défense de l'environnement et du littoral de Lesconil, ( président Patrick Aubé).

Les recherches ont été effectuées par un spécialiste de l'histoire de Lesconil, Raymond Cariou, mon voisin et auteur de nombreuses recherches sur la vie locale, et qui habitait à 50m dans la rue de la fontaine.

Il est malheureusement décédé il y a un an en janvier 2001.