LESCONIL (29). Du caviar, ça aurait l'odeur, la couleur et la texture.
Presque le goût aussi et ce petit craquant quand la dent croque. Mais côté
couleur, le doute n'est pas permis. Orange vif, les oeufs de truite tranchent
avec les sombres oeufs d'esturgeon. C'est pourtant à Lesconil, face à la mer
et depuis une semaine, que Bluecelt transforme l'or des truites en caviar.
Si dans les esprits, n'est pas caviar qui veut, les oeufs de truite peuvent
pourtant s'en réclamer. « En Russe, explique Yves Talec, fondateur de Bluecelt,
caviar veut dire oeuf de poisson, c'est un nom, pas une marque ou un label ».
Va donc, alors, pour le caviar de truite. Et si l'idée peut paraître saugrenue
de voir débarquer un produit d'eau douce à Lesconil, port bigouden tourné vers
la mer, le parcours d'Yves Talec lève le voile sur ce qui n'est pas un hasard.
Récoltés manuellement
« J'ai longtemps travaillé dans le milieu piscicole, notamment pour
Quimper-truites. C'est donc un produit que je connais bien », explique le
Concarnois. Et comme à la criée de Lesconil, un local restait vide depuis deux
ans, il n'a pas hésité longtemps. « En fait, ici, poursuit le patron de
Bluecelt, nous réceptionnons les oeufs de truite pour les travailler ». Des
oeufs qui viennent des élevages bretons, notamment des Côtes-d'Armor, mais
aussi de la région bordelaise. D'octobre à février, les truites produisent
leurs oeufs, récoltés manuellement par palpation, sans que le poisson ne soit
tué, comme c'est le cas pour l'esturgeon.
Les Japonais en raffolent
Une fois arrivés à Lesconil, ils sont soumis à un régime salé, « mélangés,
brassés avec une préparation à base de sel, même si la recette a ses petits
secrets. Ensuite, nous les expédions à des industriels, principalement dans le
nord de l'Europe, qui les conditionnent en verrines et les exportent ». En
effet, le Français n'a pas encore intégré l'oeuf de truite dans ses habitudes
de consommation. À l'inverse des Européens du Nord, « Allemands, Belges,
Danois » et surtout des Japonais, « très friands de ce caviar bon marché mais
au parfum prononcé ». Car le goût de ces oeufs de truite ainsi préparés serait
celui qui se rapproche le plus du caviar d'esturgeon. Et à des prix bien plus
raisonnables. Dans le cabas, les oeufs de truite affichent de 60 à 100 € du
kilo, alors que la même quantité de caviar ne peut raisonnablement s'envisager
en dessous de 3.000 €.
10 t la première année
Pour cette première saison, Bluecelt espère bien produire près de 10 tonnes de
son caviar orangé, avant d'atteindre un rythme de croisière plus proche des 20
tonnes annuelles. Et lorsque les truites ne pondront pas, de mars à septembre,
Yves Talec et sa compagne vont ouvrir un banc d'écailler à la criée, qui
proposera notamment des coquillages et des huîtres, à déguster en
avant-première dès les fêtes de fin d'année. L'occasion de dynamiser
l'endroit, mais aussi de faire le lien entre la mer et la rivière.
Bluecelt, Criée du port de Lesconil, 02.98.57.15.97
